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André Cabanel n'est plus.
André Cabanel n'est plus.
André Cabanel n'est plus.
André Cabanel n'est plus.
André Cabanel n'est plus.
André Cabanel n'est plus.

Photo 1: André Cabanel.

Photo 2: André Cabanel, René Macari, ?, Raoul Bonfort.

Photos 3-4-5-6; André Cabanel le maitre du petit jeu.

Le 30 juin dernier à l’âge de 93 ans disparaissait une véritable légende de la petite boule, il s’agissait d’André Cabanel. Les plus jeunes n’auront pas eu la chance de connaitre ce bouliste d’exception celui qui déplaçait les foules de spectateurs pour venir le voir jouer comme on va au spectacle. Inutile de vous parler de sa verve elle était tout à fait en adéquation avec son physique de provençal type, grand, solide, sa galette toujours vissée sur sa tête sympathique. Mais ne vous y fiez pas André était un tueur, mais de ses tueurs que l’on ne voit pas venir il faisait planer autour de vous son espèce de filtre soporifique, il vous berçait de promesses, il vous détendait pour mieux vous torpiller et quand vous pensiez l’avoir, trop tard vous aviez perdu. Par contre tout était fait en douceur sans violence tout sourire, la galerie était là pour le voir, le soutenir, l’encourager et il savait se servir d’elle, souvent vous vous retrouviez à jouer contre 100 adversaires et en plus vous étiez ravi d’avoir été l’acteur de cette comédie provençale, enfin ravi presque car il fallait passer à la caisse, car on ne jouait contre Dédé sans payer sa place, la représentation était payante.

Ce champion du Gard en tête à tête en 1971, était né à Aimargues en août 1927 il était arrivé à Uchaud (le village de la famille de Passo) dans sa petite enfance. Il aurait pu gérer la terre que lui laissait son père mais ce travail n’était pas fait pour lui. J’ai eu son frère au téléphone qui me disait avec cet accent inimitable « vous auriez tendu une bêche à André il vous aurait de suite répondu » « ça sert à quoi ce truc ? » ce qui en dit long sur le personnage qui se trouvait en face de vous, jamais désarmé sa réponse fusait aussi vite que son esprit.

Le jour de ses obsèques voilà ce que nous disait le grand René Macari « on s’est connus j’avais 15 ans. On a commencé notre cinéma sur les terrains de boules à 20 ans, qui malheureusement viennent de se terminer aujourd’hui. Depuis on s’appelait tous les jours. Avec Raoul Bonfort, Dédé et moi on formait un trio reconnu dans la famille des boules. Dédé a rejoint Raoul et tous les deux ils m’attendent en rigolant. Dédé nous aura tellement fait rire que maintenant il me fait pleurer.

Voilà une petite anecdote qu’André aimait raconter : en 1971 à Noël on monta en doublette avec Raoul Bonfort, je dis à Raoul « mais il ne fait pas chaud là-haut en cette saison ! « Ne t’en fait pas c’est tout à l’intérieur » il y avait tout le gratin de l’époque, les Lebeau, Paon, Mattéi, Foyot débutait avec Authieu bien sur le top du top était là. Ils nous ont fait jouer dehors et heureusement qu’avec ma femme j’avais les quatre saisons dans la voiture et surtout que je n’avais pas écouté Raoul. Figure-toi qu’il m’avait pris tous mes pulls mais ils étaient grands pardi on aurait dit un clown. A ce concours on avait fait la connaissance de Coluche qui était venu avec Achille Zavatta. Et là, à la 4ème alors qu’on est 11 à 12 on a fait le cinéma. Il fallait qu’il fasse carreau pour que nous gagnions et s’il manquait on avait perdu…Alors pour se donner du courage Raoul m’attaque devant tout le monde en me lançant « et toi Cabanel ! Ton palmarès il irait sur un confetti ! Alors moi impassible je me mets à rire doucement et je donne la réplique à la galerie « Messieurs dames vous entendez ce qu’il me dit à moi ? Que mon palmarès irait sur un confetti ! Mais mon ami il oublie une chose c’est que les Chinois ils y ont écrit la Bible sur un confetti ! Et bien sûr tout le monde éclate de rire. La télévision était là, il retroussait ses manches, il allait, il revenait, il me pousse, je lui mords le doigt…Autour de cette boule, on avait créé une pièce de théâtre, mais encore il fallait qu’il la frappe et tout Paris était avec nous pour l’aganter…Et là dans le rond, alors que la boule pesait bien plus que 700 grammes, Raoul dans son geste gracieux l’a gelée en place sous les ovations de la foule, c’était du délire !

Dédé poursuit en me montrant le jardin de la fontaine qui est en face de nous avec son bras tel un empereur… « moi aussi le midi libre aussi, il me manque et je l’ai longtemps animé avec mon sacquet et mes loteries de boules qu’on appelait la saucisse de Cabanel. Maintenant c’est fini ça ne vaut plus rien, il n’y a plus d’ambiance.

Tu sais à la longue j’étais bon aussi mais c’était trop long, il fallait jouer trois jours pour gagner ce que je pouvais me faire en une après-midi à pétanque, sans parler du petit jeu au Grau du Roi où les pigeons affluaient toujours. Le petit jeu je l’ai pratiquement inventé et crois-moi je les ai tous battus et même les meilleurs. J’avais des clients de partout, de Paris, de Lyon, de Montpellier, des touristes, ils se faisaient plaisirs, j’avais beau leur rendre trois points à la première, quatre à la seconde, je les battais toujours. Thé, une fois, il y en avait un qui était beau et plein aux as, il m’avait même dit : « Monsieur Cabanel est ce que moi je peux me reculer ? car on joue trop près et ça me gêne étant grand… » Tu penses ! (Il faut vous dire que le bouchon trop facile à tirer fut en premier temps remplacé par un écrou, encore trop facile André le remplaça par une rondelle).

Tu vois ma devise « les boules c’est comme dans la vie, c’est interdit de parler, c’est interdit de mal parler ! » Les boules c’est plus ce que c’était, c’est devenu triste ça n’a plus rien à voir, on dirait qu’ils travaillent les joueurs maintenant. Avant il y avait le jeu, et les reparties pagnolesques et tu jouais partout, les gens venaient voir. Il faut bien dire une chose, aux boules il faut que tu joues avec la galerie, que tu te la mettes dans la poche, qu’elle t’aide à gagner, que tu la sentes.

Il aurait pu être un personnage d’Yvan Audouard dans son essai « l’apprenti fada », lui Dédé la gouaille, qui l’amena jusque sur le plateau de (nulle part ailleurs) sur canal+ invité par Gildas ! I a joué sa vie comme une comédie, de formules en répliques, d’éclats de voix en mimiques…Les boules en rient encore.

Je finirais cet hommage sur le grand Dédé Cabanel par ce court poème qu’avait composé Raoul Bonfort sur lui.

Il était une fois un petit Aimarguois

Plat comme une sardine

Qui devint beau garçon et auprès des jupons

Faisait sensation

Un jour prenant son vol en ayant ras-le-bol

A trimer à l’usine

Vite il se maria

Et maintenant voilà.

« Cabanel c’est éternel » lançait ‘il à la galerie ravie après une boule frappée ou un point réussi. Quelle gueule ce type, un vrai acteur à la Pagnol. Le Raimu des boules.

Il y a un an pratiquement jour pour jour, J’ai eu le privilège de pouvoir parler avec lui en direct au téléphone et ceci grâce à un ami commun Pierre Capdenel qui me l’a présenté, j’ai passé un moment magique, moment de bonne humeur, moment rare d’un des derniers géants de la pétanque d’antan de celle que nous sommes que quelques-uns à avoir connu où les sentiments et le jeu s’exprimaient dans la bonne humeur et le partage. Je remercie aussi son fils Roland qui m’envoie à travers les ondes téléphoniques le soleil et l’accent de part en bas.

Au revoir André Cabanel et qui sait peut-être qu’un jour je vous rencontrerai.

Les pap’ys pétanqueurs présentent à la famille d’André leurs sincères condoléances.

 

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